lundi 1 janvier 2024

VERMINES

 


Aujourd'hui, je suis allée au cinéma et j'ai vu Vermines de Sebastion Vanicek. J'en ressors avec le sourire jusqu'aux oreilles pour cette expérience visuelle absolument incroyable !!!




1/Le thème : Je ne suis pas arachnophobe et je tolère les araignées qui mesurent moins de 5/6 cm. Au-delà, nous ne sommes plus copines. Donc, je vais voir ce film, en sachant à l’avance que je serais prise de terreur. Effectivement, je vais souvent flipper, jusqu’au rire nerveux. D’ailleurs, je me sentirais particulièrement tendue et mon rythme cardiaque sera anormalement haut pendant une grande partie du film (sachant qu’à la base j’ai une arythmie basse). Donc premier point, oui cela fait peur. C’est comme un jumpscare. Néanmoins, si comme moi vous ne croyez pas aux fantômes, vous aurez beaucoup plus la pétoche devant Vermines que devant Conjuring. Pour les amateurs de porn torture et d’hémoglobines, passaient votre chemin, la couleur rouge n’arborera pas ses nuances en projection, ni en écoulement. On dirait des vraies araignées donc coté effets spéciaux, rien à dire. 

2/La forme. Le premier plan très large de la cité m’a impressionné. J’ai vécu toute mon enfance en cité HLM et je me souviens que l’une d’elle avait des immeubles à 12 étages qui me foutaient le vertige rien qu’en les regardant. Et bien là, je suis impressionnée par la composition de ces bâtiments que je ne connais pas, et me poussera après le film, à quelques recherches, et notamment parce que je me suis posé une question durant le film, et que je ne pouvais avoir la réponse qu’en essayant de comprendre l’agencement intérieur des appartements. Les immeubles ont une architecture qui forcent l’admiration. Les Arènes de Picasso (pardon, j’ai connu Grigny, Ris Orangis, Corbeil-Essonnes mais je ne connaissais pas Noisy-Le-Grand) avec ses « camemberts » filmés en travelling, plan très large, m’ont filé une sorte de vertige entre l’éblouissement et l’étourdissement. Ayant vécu toute mon enfance dans des blocs de béton surpeuplé, ma crainte est d’être obligée d’y retourner et d’y élever mes enfants. Il n’existe pas beaucoup de personnes qui parviennent à en sortir et entre la drogue, la prostitution, les gangs, l’abandon, la méfiance entre voisins, le bruit, les odeurs de pisse dans les couloirs, etc… Ce n’est le monde que l’on espère pour élever nos enfants même si ma mère n’a pas eu le choix. Aucun de ses enfants n'a vraiment réussi dans la vie, je suis l'ombre de moi-même, et chacun de nous, nous nous accrochons comme nous pouvons, de peur d’y retourner. Alors, dès que la caméra attaque l’intérieur, et qu’il devient impossible de faire des plans larges, une autre sorte de trouille nous parvient, celle de ne pas pouvoir en sortir...

Les nombreux plans serrés qui ne nous offriront pas une vue d’ensemble de l’intérieur des logements, nous ciblent alors les différents personnages, qui deviendront alors, par cette proximité visuelle, très attachants, représentants de notre espèce contre l’envahisseur, lui aussi filmé en gros plan serré jusqu’au frisson, ne déterminant sa taille qu’en même temps que le cadrage… Et puis des plans MAGNIFIQUES comme cette scène dans le couloir du sous-sol qui mène au parking, une arche de toile d’araignées digne d’une déco Halloween plus que réalistes. Les plans à travers les miroirs, qui sont toujours aussi efficaces avec un éclairage de salle de bain au néon… Et d’autres plans que je ne peux que taire pour ne pas trop en dévoiler. Voilà donc, outre l’angoisse omniprésente, un film bien cadré et visuellement sublime. J'ai été tellement prise par le contenu que vous ne pourrez pas compter sur moi pour parler du montage, mais il m'a semblé fluide et sans fausse note. Quand aux sons, une bande-son musicale plutôt dynamique qui intensifie la vie "de quartier" animé entre le sourire et l'agressivité (un voisinage qui s'entraide mêlés aux insultes, et gestes belliqueux d'autres occupants), alternant avec des silences anxiogènes, et des bruits de stridulations absolument effroyables, rendent le film très réaliste...

3/Le Fond. J’imagine que comme tout film, tout est sujet à l’interprétation. Je vais donc surtout y évoquer mon ressenti, par rapport à mon vécu et ma culture.

J’ai lu récemment un manga qui s’appelle Emerging de Masaya Hokazono, j’en parlerais plus tard mais il évoque quelque chose d’assez censé : la façon dont nous accaparons les Terres et les espèces animales en toute ignorance, peut nous être fatale. Et c’est la première couche facile du film qui donne son sujet. Ces immeubles représentent l’urbanisation, froide, pas naturelle. On aurait pu utiliser un centre commercial comme pour le Zombie de Romero pour exprimer ce problème, mais il y a d’autres couches symboliques dans ce film, alors la cité était la meilleure. L’araignée représente la nature, elle ne peut pas survivre dans un milieu qui n’est pas le sien. Et si elle se mélange, soit elle meurt comme l’urbanisation détruit les habitats naturels des différentes espèces animales et végétales, soit elle doit survivre en devenant un prédateur surnuméraire. Lorsque je vois cette cité, qui est architecturalement magnifique, mais qui évoque également l’agglomération citadine, elle est le symbole de l’être humain, de son artifice et de sa centralisation. D’ailleurs, il y’aura deux autres personnages qui évoqueront ce paradoxe : le protagoniste qui enferme des espèces dans des aquariums en disant qu’il les protège (très symbolique de prétendre qu’on protège une espèce en l’enfermant…) et le personnage de Claudia qui veut partir de son logement pour un bout de jardin (le jardin offrant une image plus naturelle de la vie). En d'autres termes, si les animaux ne sont pas faits pour vivre dans ses structures, l'être humain non-plus en réalité. 

Le second symbole, vachement moins subtil : le confinement dont nous avons souffert lors du Covid. Les autorités gouvernementales nous ont demandé de nous enfermer pour nous protéger. Mais certains étaient beaucoup plus en danger, notamment les enfants et les femmes maltraités et violés. Mais aussi, les gens seules, les dépressifs et les isolés. Et ceux qui n'avaient pas accès à la verdure comme les habitants des cités. Je ne vais pas détailler quelque chose que nous avons tous vécu et qui a été subit comme un traumatisme pour certains, mais il est clair que ce film est un rappel du confinement. Et je me rappelle d'un lieu où j'ai vécu, qui grouillait de cafards. Confiné dans ce lieu m'aurait projeté dans une folie. Et je pense aussi à ces gens, qui ont dû être confiné avec les punaises de lit, etc...

Le troisième symbole est social, ou gauchiste comme diraient certains qui n'ont pas compris que nous étions tous habitants de la même planète et ce que comme nous faisons aux insectes, certains êtres humains le font aux autres être humains. Mais jusqu'à quel degré? Lorsque les riches auront éradiqués les pauvres, ils créeront d'autres pauvres puisqu'ils ont besoin de gens à diriger et à asservir, etc... Alors ne pensez pas qu'avec vos millions vous êtes protégés pour l'éternité. Bref, le symbole du film est social. Ne serait-ce que le titre qui évoque aux yeux des riches et des blancs ignorants, les êtres humains qui vivent en cité, et qui seront pour eux, toujours des étrangers. Les « gens qui ne sont rien », la vermine sociale qui trime dans l’ombre pour que les riches continuent de croire qu’ils valent mieux que les autres. Lorsque j’ai dit auparavant, ma crainte de devoir retourner vivre dans ses grands blocs de bétons qui puent la pisse dans les couloirs, et parfois squattés par des dealers menaçants, et que la trouille provient de ne pas pouvoir en sortir, c’est exactement ce qu’il se passe lorsque la menace arachnide parvient jusqu’à l’extérieur. Ils se retrouvent confinés par une autorité que nous ne verrons qu'à la fin, (attention spoiler pour ceux qui n'ont pas vu le film, ne pas lire la phrase en bleu : prétextant une protection, au lieu d'avouer l'incapacité à maîtriser l'épouvante vérité, préférant tuer tout le monde, de la vermine à l'être humain sans les différencier. Le premier cadavre qui sortira du lieu, va confiner les autres, ce qui prouve que les autorités savaient avant les habitants.) et même Claudia qui déménageait ce jour-là, ou même Jordy et Lila qui ne vivent pas dans cette cité, mais une fois le pied dans l'immeuble, ne pourront plus en sortir… Ils deviendront comme les bestioles de Kaleb, enfermés dans des vivariums, pensant les protéger, qui ne peuvent vivre qu’avec l’électricité, car ils ont besoin de tant de lumières et tant de chaleurs, et que si on leur enlève, ils risquent de mourir… 

 Il y a probablement d'autres symboles que je n'ai pas perçu, d'autant que je ne vis plus en HLM depuis quatre ans. Il m'a semblé voir quelques incohérences. Attention spoiler pour ceux qui n'ont pas vu le film, ne pas lire les phrases en bleu : pourquoi ils ne sortent pas par les fenêtres? Et j'ai supposé que seules les personnes qui connaissent bien l'immeuble peuvent comprendre. Il n'y a peut-être pas de fenêtres assez basses pour sauter. Pourquoi les araignées restent confinés dans l'immeuble? Y a matière à ce que certaines sortent pour faire une balade? A l'ère de Tik Tok où tout est filmé en permanence, curieux que personne n'ait eu l'idée de filmer et de diffuser.


En conclusion : voilà, un film d'horreur très riche en réflexions qui pourra autant plaire aux sociologues qu’aux amateurs d’épouvante, qu’aux passionnés d’architectures, qu’aux amoureux des bébêtes… Et à la fin, serons-nous toujours vivants?




LES ARAIGNEES NE SONT PAS NOS AMIES :

Voici une petite liste non-exhaustive d'oeuvres avec des araignées.

- Le film Arachnophobie de Frank Marshall (1990), une énorme araignée d'Amazonie se retrouve aux USA et elle est bien décidée à fonder une famille dans cette petite ville de Californie.

- Le film Arac Attack de Ellory Elkayem (2002), les habitants d'une cité minière se retrouve face à des araignées géantes. Alors on est plus dans le nanard mais c'est divertissant.



- Le roman Ce Livre est plein d'Araignées de David Wong (2015). Difficile de vous faire un résumé de ce roman d'horreur complètement déjanté. Il y a des univers parallèle, des monstres, des zombies. C'est comme si Evil Dead avait fait un bébé avec Wayne's World. Mais avec beaucoup beaucoup beaucoup d'araignées.





- La trilogie d'Ezekiel Boone, Eclosion, Infestation, Destruction (environ 2018). Les titres des romans donnent le ton, une race d'araignées d'une époque très lointaine se réveille, et elle a très faim.

- Quand sort la recluse de Fred Vargas (2017). Un polars qui mélange terreur et policier, avec des recluses...

- La trilogie du Mal de Maxime Chattam. Alors malheureusement, je ne me souviens plus de l'histoire mais je sais qu'il y a beaucoup d'araignées, surtout dans le tome 3 Maléfices.

- Pour les enfants : Monstreville, L'Armée des araignées de Jack Heath (2017), une invasion d'araignées au dos bleu plutôt méchantes. 






lundi 18 décembre 2023

L'EVANGILE CANNIBALE

 


Matthieu vit ses jours d’aigris arrogants colérique paranoïaque et cracheur (dans tous les sens du terme), paisiblement dans son HEPAD. Il déteste tout le monde, de ses compagnons de chambrée aux infirmiers, de sa fille qui ne lui rend jamais visite et de ses deux ex-femmes. Donc non, sa vie n’est pas si paisible. Un jour Maglia, une autre pensionnaire, a une vision et informe ses potes du 3ème âge qu’il faut accumuler des vivres avant de se barricader quelques semaines. Ils parviennent à foutre à la porte le personnel, c’est la mutinerie. Ils sont un peu surpris que les grand moyens ne soient pas utilisés pour que les autorités locales reprennent l’HEPAD d’assaut. Nous saurons pourquoi, ils avaient d’autres chats à fouetter. Mais bon, tout va bien au royaume des vieux, jusqu’à ce qu’ils manquent de victuailles, et décident de sortir, les uns en fauteuil roulant, Maglia en lit roulant poussé par ses copains en couches pour certains, en cathéter pour d’autres et absolument pas armés pour affronter l’apocalypse,

quoi que…


 

**Dans ma recherche philosophique sur, Sommes-nous toujours vivants ? Le club du troisième âge se verra parfois en reflet miroir devant ses êtres décharnés, qui cherchent à survivre et qu’on a aura enfermé entre des murs pour les fuir, comme on enferme nos vieux dans les HEPAD.

 

**Mais ce symbole bien simpliste, ne sera que la partie immergée de l’iceberg. Rajoutons une couche de glaces pour refroidir l’ambiance, donnant ainsi, une vision bien pessimiste de ce roman considéré à la base comme fendard. On apprend un peu plus tard, que les gens sont devenus des zombies en ingurgitant un médicament rajeunissant. Médicament fabriqué peut-être à base de cellules souches venues de bébés africains… Cette quête désespérée pour s’accrocher à sa jeunesse a eu raison de notre santé mentale et physique… Elle sera concrète (les foetus et le placenta, ou le sang des vierges à une époque, quoi que peut-être encore) ou métaphorique. « Depuis le début, le monde entier se dirigeait vers une société qui dévore ses enfants pour survivre. » Matthieu, le protagoniste, y voit régulièrement le tableau de De Goya, Saturne dévorant un de ses fils.

Nous n’avons pas construit le monde pour le bien commun, mais pour nos besoins individuels, avec compétitivité, arrogance et mépris pour la vie des autres espèces et même la nôtre. Sauf, que ce ne sont pas nos vieux qui subiront la défaite finale, mais bien nos enfants.

Alors, nos vioques sont ravis, ils ne pourront pas devenir des zombies car aucun d’eux, n’a jamais avalé ce médicament. Mais est-ce bien soulageant de vivre ses derniers jours de vie dans un monde chaotique ?

Et ce passage maladroit et irréfléchie avec la jeune Manon, adolescente rencontrée lors de leur périple, est juste incroyable. On y voit toute la bêtise humaine, entre l’humour et le malaise profond.

 

**Peut-on en vouloir aux gens de s'accrocher à la jeunesse lorsque la société montre la vieillesse de la même manière qu’un zombie? Une personne qui n’est plus rentable dans ce collectif consumériste et qui en plus continue de manger, de chier et de prier (pardon). " Soit le petit dévorait le ventre de sa mère pour sortir de là... Soit, il avait échappé à la métamorphose et c'était Manon qui allait le réingurgiter par la voie digestive." Ne nous dévorons-nous pas tous en réalité les uns et les autres?

" Mangez un zombie, est-ce qu'on peut imaginer une vengeance plus ironique?"

 

**L'immortalité. La quête pour rester jeune, n'est-ce pas en réalité une quête pour l'immortalité ? Et quoi de plus immortel qu'un zombie? Mais il faut bien choisir. L'auteur dit " On meurt de se faire beau." Et Matthieu raconte le mythe d'Eos qui a demandé la vie éternelle mais oublié de demander de garder la beauté. Elle va vivre éternellement, le corps pourrissant comme un zombie. Nous vivons de plus en plus vieux, mais à quel prix? Les recherches cosmétiques mettent tout en œuvre pour préserver notre beauté en y mettant des produits dangereux. Peut-on avoir la jeunesse et la vie éternelle? Ce sera un des deux? Lequel préférez-vous ? N’est-il pas plus acceptable d’accepter notre mortalité et la vieillesse qui va avec ?

 

**Quel espoir pour l’humanité s’il ne reste que des vieux mâles ? Peuvent-ils repeupler la planète ? A-t-on envie de repeupler la planète ?

 

 

mercredi 13 décembre 2023

LES ZOMBIES NE SONT PAS SERIEUX

Si vous avez aimé les films Shaun Of the Dead de ce génie d'Edgar Wright, Planet Terror de Robert Rodriguez, The Dead don't Die de cet extraordinaire Jim Jarmush, Little Monsters de Abe Forsythe, Bienvenue à Zombieland de Ruben Fleischer ou même tiens le film Cooties de Milott/Murnion, alors vous ne pourrez plus dire : "moi je n'aime pas lire", car j'ai la liste qu'il faut pour vous faire changer d'avis. Et pour ceux qui aiment lire, mais qui n'aiment pas les zombies, voici votre dose d'humour noir. Ici les zombies sont drôles et vous pourrez, à défaut de ne pas avoir envie d'une bonne tranche de viande (oui cela reste des romans dégueulasses), au moins une bonne tranche de rigolades.

J'ai déjà abordé des zombies rigolos pour Noël entre un Andy zombie existentialise dans les romans de S.G Browne (Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l'Amour, et Le Jour où les Zombies ont dévoré le Père-Noël) et un Ange pas très malin qui ressuscite un faux Père-Noël en Zombie (Le Sot de l'Ange de Christopher Moore). Donc, je ne les mettrais pas dans cette liste, sauf si je faisais un top 10. Mais je vais faire le top 5 des romans de zombies hilarants.

Voici mon top 5 :


5. LE CLUB DES PUNKS CONTRE L'APOCALYPSE ZOMBIE de Berrouka

Des Punks parisiens squatteurs qui tentent de survivre.... Des zombies... 
Des Punks parisiens qui veulent absolument mettre un drapeau au dessus de la Tour Eiffel : les anarchistes ont gagné, le monde consumériste arrogant a perdu.






4. BRAINLESS de Jérôme Noirez

Le début de Brainless ressemble beaucoup aux romans de S.G Browne (Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l'amour - le jour où les zombies ont dévoré le Père-Noël) avec injection de formol et l'absorption de bulbe rachidien qui permet une illumination cérébrale immédiate. Jusque là rien de nouveau aux Pays des morts-vivants rigolos. Vous mélangez le tout avec un peu de la série Daria avec les stéréotypes tels que la bombe superficielle, la gothique, le quaterback pas très futé, l'obèse aux goûts vestimentaires peu flatteurs, les pom-pom girls populaires, vous rajoutez des symboles du cinéma avec un directeur qui doit être le fils caché du sergent-instructeur Hartman (Full Métal Jacket), le prof de sport qui rappelle énormément Terence Fletcher (Whiplash) et le prof de science qui fabrique de la drogue pour arrondir ses fins de mois (dans quel film? Ah non c'est un élève dans The Faculty) et cela donne une excellente comédie horrifique pour teenager. Et si je fais référence au cinéma c'est parce que ce roman s'inspire avec plaisir (et non dissimulé) à énormément de films d'exploitations tels que La nuit des morts-vivants dont le héro est un aficionado.

Mais voilà, Brainless c'est aussi et avant tout de la littérature. Et derrière ce fond d'hommage aux films d'horreur, vous y trouvez une réflexion que nous retrouvons dans quelques autres romans de zombies plus sérieux tel que Zombie Nostalgie de Oystein Stene ou L'Education de Stony Mayhall de Gregory, des romans de zombies avec une sensibilité accrue et une réflexion peu commune.
L'originalité va se dévoiler au fur et à mesure du roman, laissant place à l'horreur inacceptable : qui est réellement le monstre?


3. L'APOCALYPSE SELON SANDRA de Saint-Charle

Aucun doute, lors d'une apocalypse zombie, vaut mieux être un zombie qu'un être humain.

Alors oui, les morts-vivants ont la sale manie de bouffer les gens, c'est vrai. Néanmoins, c'est parce qu'ils n'ont plus le recul nécessaire pour philosopher sur la question du bien et du mal. Vous pouvez à grand-peine expliquer à un puma : ne mange pas cette mouffette, elle est gentille et a le droit de vivre. Pour les zombies, c'est pareille.

On pourrait débattre également sur le cannibalisme pendant l'apocalypse, mais comme dirait Testa dans L'Obscur : « l'éthique, c'est un luxe de personnes bien nourries ».

Non, ce qui affirme définitivement la certitude que l'être humain est un parfait connard, même pendant l'apocalypse, c'est l'esclavagisme. Les zombies ne réduisent pas les gens en esclave sexuel pour les dominer et les torturer. Des tortures qui peuvent durer de longues années. Si on croit que le propre de l'Homme c'est sa conscience ou son langage, je crois plutôt que l'Histoire de l'humanité a attesté depuis longtemps, que le Propre de l'Homme c'est sa capacité à asservir le moindre être vivant terrestre pour satisfaire sa malveillante médiocrité. Et il ne peut utiliser le prétexte de survie, car on peut survivre aisément sans esclave sexuel. Comme dirait l'autre, si tu as des besoins, tu as ta main. Et si éventuellement tu es manchot, tu peux toujours trouver des tas de trucs pour compenser, les sex-shop regorgent de gadgets brevetés liés à vos complaisances sexuelles, et je doute que ce soit la première boutique pillée lors de la Fin du Monde.

Passons au roman :
Sandra, bien vivante, se retrouve, à la suite de circonstance plus que surprenante, à vivre au milieu d'une horde de zombies, que ces derniers ont accepté parmi les leurs. Elle va devoir modifier complètement sa façon de vivre et va tenter peu à peu de les « éduquer ». Ce qui vous offrira 140 premières pages d'hilarités, et si comme moi vous lisez parfois en extérieur, vous subirez les regards étonnés des gens qui vous entourent à chaque éclat de rire.
Puis, on tombe dans le grotesque avec l'arrivée du personnage d'Andrea, qui parviendra à s'infiltrer dans la Horde, avant qu'elle (spoile)...
Et c'est à ce moment-là, qu'on retombe dans la réalité : pendant l'apocalypse zombie, vaut mieux être un zombie. Dès lors, on reviendra en arrière, lorsqu'Andrea arrive pour la première fois et émet préférer prendre le risque de se faire bouffer par un zombie, que de vivre parmi les vivants. Et malgré un ton très (très très) humoristique et parfois juvénile (on sent que la cible du roman est plutôt Teenagers), on s'aperçoit, de manière plus ou moins déguisé, que le message à l'encontre des êtres humains, est toujours le même, et il n'est pas très confiant. Parce que si on préfère être mort que vivant, lorsque l'on imagine la Fin du Monde, cela en dit long sur notre espèce.

Il me semble que le passage avec Sven était de trop. Peut-être que l'auteure a pensé qu'on n'avait pas assez compris que l'être humain est méprisable et complètement cinglé, et elle a eu envie de rajouter une couche ? Alors d'après moi, c'était une couche de trop. La fin est redondante, voir barbante. Je pense qu'elle aurait pu finir sans le passage de Sven.

En conclusion, le message du roman fait écho à beaucoup d'autres romans de zombies et l'auteure ne dérogera pas à la règle. La différence c'est qu'elle utilisera l'humour (beaucoup d'humour) et de références à la Pop Culture, pour se différencier des autres romans du même thème. C'est très visuel et si j'avais le blé, je l'adapterais au cinéma. Certains passages (notamment avec la chanson de Scorpion) m'a fait penser à la scène mythique de Little Monsters, lorsque l'instit chante « si t'as d'la joie au coeur » et que les zombies frappent dans leurs mains.


2. ZOMBIE BALL de Bacigalupi

Sous couvert de roman de zombies, c'est un excellent plaidoyer pour devenir végétarien ! Trois adolescents, des vaches, un abattoir, un fast-food. C'est simple, léger, cauchemardesque et drôle. Il cible plutôt un public adolescent cependant je me suis bien amusée. Un groupe d'ados découvrent que les vaches de la ferme-usine de leur patelin, mangent des choses particulières...






1. 1,2,3...ZOMBIES de Crapez


Ce roman est très très drôle. Evidemment c’est un roman de zombies, donc on assiste aux scènes gores qui accompagne cette catégorie de littérature horrifique (la pire reste celle du pervers russe). Mais c’est raconté avec tellement d’humour, que je le classe en chef-d’œuvre du genre. Dans le fond, l’histoire n’est pas tellement originale, mais c’est la forme qui est géniale ! Entre Flash info, anecdotes et stupidités humaines, tout est agencé pour que l’on soit surpris à chaque chapitre. Entre la scientifique biochimiste jalouse impulsive, la reine d’Angleterre alcoolique, les robots complètement nuls, l’émission de télévision monstrueuse pour faire du fric et une énorme malchance, on découvre un enchaînement de gags qui amènera ni plus ni moins la destruction de l’humanité. C’est comme si Idiocraty de Mike Judge faisait un enfant avec le Zombie de Romero. Tout simplement génial !!! Un grand merci à l’auteur, je me suis énormément amusée à lire ce roman.





Mention spéciale également pour la Nouvelle L'Odeur de la Campagne de Audebert : court mais efficace. 



lundi 11 décembre 2023

PEARL


Parce qu'il n'y a pas que les zombies dans la vie, je voudrais parler de la trilogie de Ti West, mais plus précisément de Pearl.

Pearl de Ti West est à mes yeux le plus grand film d'horreur du 21ème siècle. Grace à une mise en scène excellente, une belle photographie mais également grâce à la prestation de Mia Goth qui porte le film sur ses épaules pour l'élever au rang de Chef-D'oeuvre. Mention spéciale à un monologue qui durera presque 5 minutes (c'est long 5 minutes au cinéma), mais on ne les verra pas passer tant Mia Goth est époustouflante de vérité. Et ce gros plan de fin au sourire crispée et larmoyant est à la fois terrifiant et attendrissant. Pouvons-nous la détester?
Mia Goth mériterait un Oscar pour ce rôle et je pense n'être pas la seule à l'affirmer.

1918, Pearl veut devenir une star mais elle doit rester dans la ferme familiale pour aider sa mère, et s'occuper de son père malade, tandis que son époux est parti en Guerre. Cette vie glamour dont elle rêve, la fait peu à peu basculer.


Certaines séquences épousent le malaise avec une efficacité qui octroie la confusion chez le spectacteur. Car nous sommes des voyeurs qui assistent impuissant à la descente psychologique d'une jeune fille, nous voyons ses fantasmes, ses rêves, des attitudes avilissantes et surtout nous sommes spectateurs de ses échecs. Tout est incroyable dans ce film : la séquence du concours de danse, celle avec l'épouvantail, etc... C'est du génie en tout point.

Je vous invite à lire cette critique de Mondociné :https://mondocine.net/cinema-pearl-de-ti-west-critique-du-film




Préquelle du film d'horreur X, réalisé également par Ti West, il est évident qu'aujourd'hui, d'après moi, qu'il faut regarder Pearl en premier pour apprécier X à sa juste valeur. 

X se passe dans les années 70, à l'apogé du film porno. La photographie très soignée rappelera des films comme Massacre à la tronçonneuse où les plans sont, malgré l'horreur du sujet, d'une beauté consciensieuse. L'éclairage, les plans, le montage, on sent la volonté d'un travail bien fait. Il n'y a qu'à voir les différentes photos joints, pour certifier le génie visuel et artistique de Ti West.


Si Ti West a réalisé celui-ci en premier, on peut supposer (ce n'est que mon avis), qu'il ne savait pas encore trop où il voulait aller. Car il semblerait, au niveau du récit, qu'on a affaire à un banal slatcher. Ceci dit la réflexion sur la beauté et la jeunesse, est d'autant plus effroyable lorsque la vieille dame se couche nue au côté de la jeune. On se voit éprouver injustement de la répulsion face à un corps que nous aurons certainement et inévitablement un jour. Et j'ai trouvé cette séquence incroyablement osée. Ne serait-ce que pour ce plan, j'invite à regarder le film, pourtant bien moins bon que Pearl, qu'il réalisera plus tard, en laissant le soin à Mia Goth d'intervenir dans le scénario pour notre plus grand plaisir.












J'attends avec impatience MaXXXine, le troisième volet. Où l'on retrouvera l'héroïne de X, qui tente de devenir actrice dans les années 80. Il semblerait que Kévin Bacon sera de la partie. Je l'espère !!



dimanche 10 décembre 2023

DES ZOMBIES POUR NOEL


"On peut penser que manger les humains est une seconde nature chez les zombies. Mais manger de la chair humaine, ce n'est pas le genre de pratique que le zombie moyen sait faire depuis que son cordon ombilical a été coupé. Le cannibalisme reste du cannibalisme, qu'on soit vivant ou mort-vivant, et c'est une idée à laquelle il faut s'habituer. Pas qu'il faille s'habituer au goût, parce que la viande de respirant, c'est délicieux. Mais il faut plutôt s'habituer à accepter votre nouvelle réalité - dans sa totalité zombiesque."

S.G. Browne, Le Jour où les zombies ont dévoré le Père-Noël.

Ce roman est la suite de Comment j'ai cuisiné mon père, ma mère et retrouvé l'Amour. L'histoire de Andy, un mort-vivant existentialiste qui a des revendications pour vivre normalement parmis les vivants. Beaucoup d'humours et d'horreurs.




"Notre père qui êtes aux cieux, j'ai vu le père Noël ce soir et c'était super et je vous remercie pour ça, mais après, juste après l'avoir vu, il a été tué par une pelle, et alors maintenant, j'ai peur qu'il n'y ait pas de fête de Noël, et moi j'ai été gentil comme vous pourrez le voir si vous vérifiez la liste du père Noël, alors si ça ne vous ennuie pas, pourriez-vous le ressusciter, et faire en sorte que tout se passe bien à Noël ?"

Christopher Moore, Le Sot de l'Ange

Le petit Josh a vu le Père-Noël se faire tuer à coup de pelle. L'Archange doit réaliser le voeu d'un être innocent le soir de Noël. Mais l'Ange n'est pas très malin et va foutre le bordel dans cette petite ville de Pine Cove. Des zombies la nuit de Noël...
Christopher Moore a le don de faire rire et c'est excellent conteur.




Noël, comédie musicale, humour anglais, jusque là tout va bien... Et des zombies.
Ce n'est pas le film du siècle et faut aimer les comédies musicales.
Mais cela a le mérite de faire rire et d'être original.



PONTYPOOL

Si comme moi, vous êtes nuls en anglais, vous devez être triste de ne pas pouvoir lire Pontypool Changes Everything de Tony Burgess.

Heureusement, nos amis les Canadiens, ont réalisé une adaptation au cinéma que j'espère fidèle. Quoi qu'il en soit, le film est génial et la mise en scène est très originale. Huis-clos avec plans serrés. 

Une invasion de zombies que nous ne verrons pas, car nous la vivons à travers une station de radio, depuis les appels des auditeurs vers les animateurs avec un Grant Mazzy (Stephen McHattie plus que génial dans ce rôle) qui n'a pas sa langue dans sa poche. Et c'est d'ailleurs bien le langage le problème car le virus se propage à travers celui-ci : ne pas utiliser des mots affectueux, des mots "bébés", de phrases rhétoriques... 


Comment mener un film sur le langage, avec peu de décors et de personnages? J'appelle cela du génie d'écriture mais également du génie de jeu d'acteurs. Film de 2008, réalisé par Bruce McDonald.



Cette réflexion sur le langage rappellera une série Turque que je n'ai pas encore vu ( Hot Skull). Mais surtout au roman L'Alphabet des Flammes de Ben Marcus, où dans un premier temps, les paroles des enfants font souffrir au sens propre jusqu'à la mort, les parents. Avant que le langage dans son intégralité (parlé ou écrit ou codé ou lu) devient une menace de survie. Ce qui les empêche totalement de communiquer. 

Alors pourquoi cette mouvance à travers le langage? Est-ce une façon métaphorique de nous montrer que nous ne communiquons plus? Ou que notre communication devient trop agressive à travers la violence du langage des réseaux sociaux qui ne nous permettent pas la diplomatie et la courtoisie? Que nous nous sommes perdus dans des dialogues de sourds? Ou autre? Quoi qu'il en soit, je conseille ce film complètement barré, et j'attends avec impatience qu'un gentil éditeur nous offre une version du roman en français.


JOSHUA HOFFINE

 Alors voici Joshua Hoffine, un photographe américain qui met en scène des situations horrifiques. Pour moi un pur génie. Je n'en sais pas plus sur lui, je vous invite à aller sur les pages le concernant.






SOMMES-NOUS TOUJOURS VIVANTS?

 Dans les romans de Zombies, on se pose trois questions :

1. Qui est réellement le monstre? Nous pouvons constater que la plupart du temps, la menace de l'être humain bien vivant est souvent plus flippante que celle du zombie. Le zombie lui, n'a d'intérêt que de bouffer de la chair fraîche. Tandis que l'être humain bien vivant, lui s'adonne à la barbarie : torture, kidnapping, viol, esclavagisme. On pourrait rajouter Cannibalisme mais comme dirait Philippe Testa dans son roman L'Obscur :"L'éthique, c'est un luxe de personnes bien nourries."

2. Sommes-nous toujours vivants? Ou en d'autres termes, qu'est-ce qui différencie le vivant du zombie? Entre son absence d'empathie, sa prédisposition à la servitude, son abrutissement dans le travail, on est en droit de se demander si nous ne sommes pas déjà des zombies. Nous tentons parfois la rebellion, mais l'argent, le consumérisme, nous remettent parfois à notre place de zombie. Dans certains romans, le zombie fera preuve de beaucoup d'humanités qu'un être humain, nous nous demandons alors si nous avons perdu ce qui nous rendait vivant. Alors sommes-nous toujours vivants? Ou le zombie n'est-il pas le miroir de nous-mêmes, parfois barbare, parfois empathique? Ne cherche-t-il pas sa place sur la Terre comme nous-mêmes? Ne veut-il pas obtenir le règne suprême comme nous-mêmes? Le Surhomme ne serait-il pas en fait c'est être humain absent de toute sa réflexion qui ne nuirait pas à la planète et aux animaux mais juste là mécaniquement pour vivre?

3. Dans les romans de Zombies, ou même plutôt dans les romans post-apocalyptique. Nous avons ce désir inconscient de détruire le monde telle qu'il est pour recommencer sur de bonnes bases. Changez les gens, changez le monde. Détruire le capitalisme, détruire l'argent pour qu'il ne soit plus qu'un bout de papier inutile, ou un chiffre conceptuel. Afin que la vraie vie repose sur les biens que la Terre nous offre, à chacun, pour tout le monde. Que tout le monde ait un toit pour dormir, et que le monde mange ce que la nature donne. Et que les préoccupations matérielles soient un lointain souvenir.


Voici une liste de livres pour étayer mes propos :

1. L'Education de Stony Mayhall de Daryl Gregory

Il existe des romans de zombies drôles et des romans de zombies pas drôles. Et puis il existe ce roman L'éducation de Stony Mayhall, qui sous couvert de romans de zombies (et d'ailleurs ici ce sera plutôt des MV - morts-vivants-), porte un message de tolérance. Souvent les romans de zombies (pas drôles) sont là pour nous rappeler cette question fondamentale : sommes-nous toujours vivants? Métro boulot dodo, alcoolisme, drogue... Blasés, arrogants, méprisants, cruels, intolérants, racistes... Etre vivant c'est juste parce que son coeur bat ou c'est aimer la vie? Est-ce que l'on peut considérer de vivant quelqu'un qui se complait dans l'ignorance, la haine et l'égocentrisme ? Est-ce qu'on n'est pas plutôt vivant lorsqu'on possède un désir d'aider les autres, de les aimer et de vivre en harmonie pour le bien commun? Arf ça fait mal à la tête. En tout cas, dans ce roman on peut être vivant sans coeur qui bat et la bonté de coeur n'est pas toujours dans celui dont le coeur bat.



2. Positif de David Wellington

Imaginez que vous avez peut-être le virus zombie (peut-être), et bien que ce ne soit pas une certitude, et alors que vous pouvez déclarer la maladie pendant que vous jouez tranquillement avec vos copains, vous êtes contraint d'aller vers des camps où l'on vous promet gîtes et couverts le temps de la certitude ? D'autant qu'on ne parle pas d'un rhume, mais bien d'envie de bouffer vos comparses ? Ah voilà.
C'est un virus où le temps d'incubation est long, très long. Vous avez tatoué le signe « + » sur le bras, vous êtes potentiellement atteint du virus zombie.
Alors faut dégager de la civilisation fissa. Les portes de votre prison dorée s'ouvrent vers un vaste monde anéantie pour rejoindre un des camps qui vous ait attribué.
Et les zombies dans tout cela?
Et bien voilà, le zombie c'est juste un prétexte pour aborder divers thèmes lorsqu'une société s'effondre sous la terreur du virus : des sectes, des gangs, des lois absurdes, des valeurs perdues, l'humanité dans sa dégénérescence la plus absolue…
Finnegann le héro est positif et nous allons suivre sa route de l'Enfer en espérant y voir la lumière. Parce qu'il est humain Finnegann, il est naïf mais dégourdi, il n'a pas envie d'être un zombie. En fait, il n'a pas envie d'être un monstre dans ce monde de monstres…


3. Zombie Nostalgie de Oystein Stene

"Quand il parlait, on devinait des bibliothèques entières de poésie derrière ses mots. Tandis que les miens, lourds et grossiers, tombaient par terre comme des pierres." Je lis beaucoup de romans et de BDs sur le thème du Zombies. Celui-là m'a émotionnellement touché. C'est un roman particulier dans le genre: pour commencer nous avons le point de vue d'un zombie. Il n'est pas idiot, il n'est pas agressif et il souhaite être comme tout le monde, il souhaite se mêler aux autres et vivre une vie normale. Ce n'est pas un roman où les zombies se baladent dans les rues pour bouffer des cerveaux avec pour ennemies des badass qui tentent de les trucider à coup de machettes, ni un roman sur la quête du survivant qui tente de reconstruire le monde dans un désert apocalyptique. C'est plutôt une expérience de lecture : avoir le point de vue d'un mort-vivant. Certains passages sont difficiles. A la fois poésie et macabre, souffrance et douceur.



4. Celle qui a tous les dons de Mike Carey

Des enfants dans une cellule, sanglés même au cou, des enfants dans une base militaire… Des enfants qui étudient, qui pensent, qui réfléchissent et qui… aiment. Quel genre d'enfants est-ce ? Ils ont l'air d'être des enfants… C'est à travers la sensibilité de Mélanie, une fillette de 10 ans, qui connaît les règles et les respectent, que nous avançons dans l'histoire. Elle nous conte ses journées, de sa cellule à ses cours, de son repas composé d'asticots (protéine animale). Mais surtout Mélanie éprouve un amour incommensurable pour mademoiselle Justineau, prête à être « un Dieu ou un Titan pour la sauver ». Mélanie ne sait pas ce qu'elle est. Pourquoi est-elle enfermée, sanglée ? Pourquoi ne mange-t-elle pas du chocolat ou des spaghettis comme les enfants dans les livres ? Pourquoi ne peut-elle pas se faire des amis ? Le monde est mort, des affams l'ont envahi. Mais l'humain n'accepte pas sa fin. A l'instar de Je suis une légende de Matheson, il veut trouver un remède et poursuivre son règne. le virus (un champignon de type Cordyceps, oui comme dans The Last Of us) réagit étrangement sur les enfants. Peut-on revenir à la vie d'avant ? Comme pour Les Enfants de Darwin de Greg Bear : si les enfants mutent c'est qu'il y a une bonne raison ? Faut-il les sacrifier pour trouver l'immunité ? Les enfants ne sont-ils pas là pour transmettre le savoir du passé pour le futur ? Qu'est-ce qui différencient l'être humain du zombie ? Qui est le monstre ?


5. Zone 1 de Colson Whitehead

Alors voilà encore un roman de zombies. Mais cette fois, la réflexion ne se situe pas dans le classique :" l'être humain est un sale fourbe qui profite de l'apocalypse pour montrer ses pires vices." Non car ce thème du méchant humain, il est craché dans tous les romans post-apocalyptiques que ce soit dans une purée de zombies ou dans une autre recette. Non l'auteur a préféré cibler sa réflexion dans l'espoir de la civilisation et surtout dans cette question fondamentale : " sommes nous vivants ? ". Sommes nous vivants ?!! Il y a les vivants, les zombs et les traînards. Il y a ceux qui vivent dans leurs souvenirs et espèrent l'avenir, ceux qui veulent envahir le monde en le dévorant et ceux qui s'accrochent à leur moment de vie. Ils ne sont pas tellement différents les uns des autres... La zone 1, c'est la zone de l'espoir, où tout renaît comme avant, le petit restaurant, les beuveries avec les souvenirs, l'administration si rassurante du quotidien... Nous suivons Mark Spitz, qui ne sait pas nager, noyé dans ses souvenirs et ceux des autres mais qui se sent plus vivant parmi les zombs... J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le sujet, dommage car c'est en milieu de roman que je me suis dit que je passais à côté d'une histoire de zombies intelligente. A relire donc.


6. Friday Black de Nana Kwame Adjei-Brenyah

Recueil de nouvelles assez inégales. de très bonnes idées et d'autres très classiques notamment le lien zombie/black Friday (drôle et horrifique), métaphore assez courante concernant la société de consommation. Toutes les nouvelles n'abordent pas les zombies, mais celles qui les abordent, comparent sans subtilité l'être humain à un consommateur zombifié par le consumérisme, avec une perte de volonté autre que d'acheter et un flemme de communication (dialecte sous forme de borborygmes que le vendeur doit réussir à décoder pour bien vendre). Bref, ici le consommateur est un zombie. 





7. Vivants de Isaac Marion

Des humains qui s’aventurent dans la mort à l’ère des Vivants et des morts qui veulent se sentir vivant à l’ère des Morts. 

*** En surface, une histoire d’Amour improbable entre un zombie et une vivante. Une romance fantastique pour « young adult » ? Ce que l’on pouvait faire avec un vampire (Twilight, Les Dents de l’Amour ou La Communauté du Sud) n’est finalement pas si sommaire, d’autant que notre zombie a une nette tendance à philosopher sur sa condition d’humain mort. L’édition que j’ai en main débute ses chapitres, avec de petits schémas représentant des morceaux de nous-mêmes, des morceaux d’êtres humains. Cette intrusion organique ne vire jamais au cauchemar, elle est purement biologique : mort ou vivant, nous sommes du muscle, de la peau, des abats. « Nous portons sur nous-mêmes le même regard que sur les vivants : nous ne sommes que de la viande. » Cette forme, est suivie de près par un fond plus mystique : l’âme (elle sera incarné par Perry). Peut-on séparer l’âme de la viande ? Et qu’est-ce qui nous différencie des zombies ? Le zombie ne serait-il que chair tandis que le vivant sensible ? Pourtant aux yeux du mort-vivant, le vivant n’est que chair, puisqu’il n’est là que pour être mangé. Mais le vivant lui, ne se réduit pas à cela car il ressent des sentiments, ressent de la douleur, de la honte, de l’espoir et du désespoir, de l’injustice à la différence du mort-vivant. Est-ce si limpide ? Le roman Vivants nous montre une fois de plus que la barrière n’est pas si simple, puisque la barrière est en fait un miroir. En effet, d’un côté une Julie qui cite : « Je suis une épave, moi aussi, sauf que…Je suis toujours en vie. Une épave en cours d’achèvement. » et de l’autre côté, un zombie biologiquement très mort mais qui cherche ses sentiments, qui cherche à s’exprimer, à se souvenir, à ressembler à un vivant et dont l’esprit se décuple de réflexions philosophiques jusqu’au moment où viendra l’inattendu : la renaissance du mort-vivant grâce à l’Amour . « Pourquoi le passé m’apparaît-il comme brouillard, alors que le présent est brillant, riche en sons et en couleurs ? » *** 

Le monde était une merde, et les possibilités de se sentir vivants dans un monde de Guerre, d’épidémie, de sécheresse, de surpopulation, de crises politiques et sociales, de dérèglement climatique, étaient amoindries. Nous étions, pour la plupart déjà à l’état de zombie de manière métaphorique. Lorsque le zombie est réellement arrivé au sens propre : il n’était « que le dernier clou enfoncé dans le cercueil. » Privé de nos vies, nous devenions des vivants morts avant que les morts-vivants arrivent pour de vrais, dans le but de bouffer des vivants morts (à défaut de nous bouffer entre nous à cause de notre déshumanisation, perpétuée par notre condition d’esclave face au Dieu Argent). Et après quoi ? « Papa pense que sauver l’humanité revient à bâtir une grosse boîte en béton, mettre tout le monde à l’intérieur et monter la garde devant la porte, un fusil à portée de main, en attendant la vieillesse et la mort. » Que vaut la vie aujourd’hui, si elle doit se passer dans une prison à attendre la mort, à apprendre à tuer les zombies depuis l’enfance ? Tandis que les morts circulent à la recherche de vies ? Le monde post-apocalyptique n’est alors pas si différent de l’ancien : nous avons le choix entre être un vivant mort, un mort-vivant ou un casse-dalle. Heureusement, R., un zombie, va tout changer en tombant amoureux. Et plus précisément, il va tomber amoureux d’une vivante. Ce qui curieusement lui offrira un sens à sa vie de mort-vivant. Et même plus encore : il aura une volonté de vivre ! Et cette volonté de vivre : la résurrection née de l’Espoir et de l’Amour.


8. Le règne des morts d'Alexandre Ratel

« Quand il n'y a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur Terre. », cette phrase culte du film Zombie de Romero, rappelle qu'il y a plus d'humains en Enfer qu'au Paradis. D'où cette question : dans un roman de morts-vivants, qui est le monstre ? C'est aussi dans ce film que le personnage de Peter nous rappelle que « ces choses » : c'est nous. 

***** Ce recueil de nouvelles est pour moi est un chef-d'oeuvre du genre, car toutes les histoires se valent tant dans la qualité de l'écriture que dans son contenu, original et existentialiste. Si certaines regorgent d'humour noir, l'ensemble est néanmoins plutôt tragique et le miroir de notre humanité. Il m'a fait penser à Zone 1 de Colson Whitehead, dont le personnage découvre que la fin du monde n'a pas mis fin au racisme, à l'intolérance, à l'amour de l'argent et à la pompeuse administration. Surtout avec les nouvelles Passage en Caisse, Justice pour Howard Lee Stillman et l'Appétit des ogres qui seront mes préférées. Le désir non-avoué de la fin du monde, réside dans le fait que nous voudrions recommencer cette société qui va droit dans le mur. Pour cela, il faut la détruire. La venue des zombies est un bon moyen de détruire la société injuste et inhumaine actuelle. Face à la menace zombies, nous espérons devenir égaux et nous espérons poursuivre le rêve d'un monde plus équitable où les minorités n'existeront plus, où l'argent ne dominera plus, où nous vivrons de réelle valeur telle que la solidarité, l'amitié, le respect, combattant cote à cote contre le mort-vivant jusqu'à son anéantissement. N'est-ce pas cela l'engouement pour l'Apocalypse ? Que les choses redeviennent justes ? On le verra dans la saison 3 de la série Z Nation. Refaire le monde nécessite des menuisiers, des médecins, des recycleurs, des infirmiers, des plombiers, des électriciens, des ingénieurs mais les banquiers d'affaires sont relayés au nettoyage des toilettes, car nous n'avons pas besoin de banquier durant l'apocalypse, mais nous avons des toilettes. Pour d'autres, ce sera un retour à la vie pour contrer le miroir du mort qui marche, en appréciant la vie et poursuivre des rêves (comme dans le manga Bucket List Of the dead.) Mais voilà, l'être humain est un monstre et les romans de zombies ne nous montrent pas la solidarité, l'amitié, la reconstruction, les valeurs. Non l'Apocalypse éveillera en fait les pires vices : sectes, utilisation des morts, meurtres, cannibalisme, le contrôle, le profit et la conquête de territoires (The Walking Dead de Kirkman, Positif de Wellington et La Contre Nature des choses de Burgess, nous le démontre). Alexandre Ratel ne déroge pas à la règle et dans les Nouvelles Passage en Caisse et l'Appétit des Ogres, le constat est encore pire : l'humanité continue de vivre comme avant. Les gens vont au boulot, ils payent impôts et loyers comme avant, sous la menace perpétuelle de se faire bouffer, comme si le zombie n'était qu'un animal prédateur avec lequel nous devons apprendre à vivre, et plaçant ainsi la confusion de l'existence entre un zombie et un travailleur qui fait des gestes répétitifs toute la journée, supportant le regard méprisant du consommateur. Ah oui c'est aussi riche que le Friday Black de Nana Kwame Adjei-Brenyah (autre chef-d'oeuvre du genre). Quant à l'Appétit des Ogres, une once d'humanité, sera annihilée, consumée par l'ogre, le monstre, l'humain bien vivant qui instaure également ce flou entre le dévoreur de cervelle et le psychopathe cupide qui jouit de la situation. D'autres nouvelles viendront étayer mon argument, je vous invite à les lire pour vous faire votre propre opinion. Petit coup de coeur pour Noël rouge qui me fera penser au film Little Monsters d'Abe Forsythe mais en plus émouvant et dramatique. Et également petit coup de coeur pour Sally et Fichés Z, dont j'ai trouvé la fin de cette dernière absolument parfaite. ****** 

Note à la couverture qui fait référence à Un carré de chocolat où des fillettes observent les zombies tandis qu'elles se posent des questions sur le bien et le mal.


9. Après les Ténèbres d'Alexandre Ratel


« Je les entends. le vent porte leurs râles jusqu'à nous. Ils viennent nous chercher, Betty ». Si cette phrase vous semble familière, c'est peut-être parce qu'elle rend hommage à la célèbre réplique « They're coming to get you, Barbara » de la Nuit des Morts-vivants, film dont Alexandre Ratel semble être le plus grand fan. ??? Une fois de plus, un recueil de nouvelles sur le thème du zombie et de l'être humain, le premier étant le reflet du miroir de l'autre. Je l'ai trouvé personnellement plus inégale que le Règne des Morts. Je suis passée à côté de certaines nouvelles qui m'ont un peu ennuyées. Ne nous arrêtons pas sur celles-ci mais plutôt sur les meilleures. ??? Super Papa : nouvelle absolument perturbante quant à la violence psychologique relevée et qui tendra vers ma question Qui est le Monstre ? Imaginez l'Apocalypse. Imaginez une Apocalypse zombie. Imaginez une Apocalypse zombie tandis que vous êtes confinée avec une personne ignoble ? Imaginez une Apocalypse zombie, confinée avec une personne ignoble tandis que vous avez des enfants ? Si vous pensez tout savoir de l'Enfer, lisez cette nouvelle sur la violence conjugale pendant une Apocalypse zombie… Pour l'Eternité : avec Ratel, l'apocalypse n'aura pas lieu. le monde sera comme avant, dirigé par le Dieu Argent. Il faudra juste le partager avec une horde de zombies… Donc, les huissiers vous feront chier et même les pompes funèbres, pulluleront d'inventivités pour ne pas perdre le marché lucratif de la Mort (et oui, il fallait y penser aux pompes funèbres ! Comment bien poursuivre son métier si les morts ne veulent pas rester dans leurs tombes ???). du génie d'écriture. De verts Pâturages : (ma préférée) un couple qui ne se supporte plus pendant l'apocalypse zombie et un perroquet bruyant bien décidé à se débarrasser de son maître… Et d'autres nouvelles que j'ai trouvé excellente, certaines drôles et d'autres tristes comme Bang Bang. ??? Toujours très bien écrit, avec des tournures de phrases que j'adore : « Quand fiction et réalité dansent les yeux bandés au bord de la falaise. », « Zone morte. Que cette expression résonne étrangement dans un monde où les cadavres ont plus à dire que les vivants. » Et des descriptions qui accroissent notre imagination : « Dans le jardin, quelques visiteurs évadés des ténèbres s'étaient invités. Parmi eux, il y avait un homme nu dont les attributs se balançaient sous les bourrasques. Que faisait-il lorsque le destin l'avait frappé ? Mourir nu, c'est moche, songea Alan en frissonnant. Il y avait aussi une vieille femme qui malgré la mort n'avait pas quitté son tablier de cuisinière. Quelque part dans le monde, un gâteau ou un bon plat n'avait jamais pu être dégusté. »


Il en existe beaucoup d'autres, j'ai sélectionné mes préférés à ce jour. Nous pouvons rajouter L'Apocalypse selon Sandra de Céline Saint Charles, également car sous fond d'humour, le récit nous rappelle que pendant l'apocalypse, nous préférons mourir que de vivre parmi les vivants restants, car on peut servir de casse-dalle autant pour l'un que pour l'autre, mais surtout, la barbarie, la torture et surtout le viol est quelque chose qui existe et c'est bien pire encore je pense que d'errer dans les rues à la recherche de chair fraîche. Je pense également à Brainless de Jérôme Noirez, où le monstre n'est pas toujours celui qu'on croit, entre un zombie et des harceleurs dans une école, voir entre un zombie et un adolescent tueur de masse. Qu'est-ce qui nous différencie du zombie dans cette situation? Qui est le plus barbare des deux? Alors, sommes-nous toujours vivants?

VERMINES

  Aujourd'hui, je suis allée au cinéma  et j'ai vu Vermines de Sebastion Vanicek. J'en ressors avec le sourire jusqu'aux ore...