lundi 1 janvier 2024

VERMINES

 


Aujourd'hui, je suis allée au cinéma et j'ai vu Vermines de Sebastion Vanicek. J'en ressors avec le sourire jusqu'aux oreilles pour cette expérience visuelle absolument incroyable !!!




1/Le thème : Je ne suis pas arachnophobe et je tolère les araignées qui mesurent moins de 5/6 cm. Au-delà, nous ne sommes plus copines. Donc, je vais voir ce film, en sachant à l’avance que je serais prise de terreur. Effectivement, je vais souvent flipper, jusqu’au rire nerveux. D’ailleurs, je me sentirais particulièrement tendue et mon rythme cardiaque sera anormalement haut pendant une grande partie du film (sachant qu’à la base j’ai une arythmie basse). Donc premier point, oui cela fait peur. C’est comme un jumpscare. Néanmoins, si comme moi vous ne croyez pas aux fantômes, vous aurez beaucoup plus la pétoche devant Vermines que devant Conjuring. Pour les amateurs de porn torture et d’hémoglobines, passaient votre chemin, la couleur rouge n’arborera pas ses nuances en projection, ni en écoulement. On dirait des vraies araignées donc coté effets spéciaux, rien à dire. 

2/La forme. Le premier plan très large de la cité m’a impressionné. J’ai vécu toute mon enfance en cité HLM et je me souviens que l’une d’elle avait des immeubles à 12 étages qui me foutaient le vertige rien qu’en les regardant. Et bien là, je suis impressionnée par la composition de ces bâtiments que je ne connais pas, et me poussera après le film, à quelques recherches, et notamment parce que je me suis posé une question durant le film, et que je ne pouvais avoir la réponse qu’en essayant de comprendre l’agencement intérieur des appartements. Les immeubles ont une architecture qui forcent l’admiration. Les Arènes de Picasso (pardon, j’ai connu Grigny, Ris Orangis, Corbeil-Essonnes mais je ne connaissais pas Noisy-Le-Grand) avec ses « camemberts » filmés en travelling, plan très large, m’ont filé une sorte de vertige entre l’éblouissement et l’étourdissement. Ayant vécu toute mon enfance dans des blocs de béton surpeuplé, ma crainte est d’être obligée d’y retourner et d’y élever mes enfants. Il n’existe pas beaucoup de personnes qui parviennent à en sortir et entre la drogue, la prostitution, les gangs, l’abandon, la méfiance entre voisins, le bruit, les odeurs de pisse dans les couloirs, etc… Ce n’est le monde que l’on espère pour élever nos enfants même si ma mère n’a pas eu le choix. Aucun de ses enfants n'a vraiment réussi dans la vie, je suis l'ombre de moi-même, et chacun de nous, nous nous accrochons comme nous pouvons, de peur d’y retourner. Alors, dès que la caméra attaque l’intérieur, et qu’il devient impossible de faire des plans larges, une autre sorte de trouille nous parvient, celle de ne pas pouvoir en sortir...

Les nombreux plans serrés qui ne nous offriront pas une vue d’ensemble de l’intérieur des logements, nous ciblent alors les différents personnages, qui deviendront alors, par cette proximité visuelle, très attachants, représentants de notre espèce contre l’envahisseur, lui aussi filmé en gros plan serré jusqu’au frisson, ne déterminant sa taille qu’en même temps que le cadrage… Et puis des plans MAGNIFIQUES comme cette scène dans le couloir du sous-sol qui mène au parking, une arche de toile d’araignées digne d’une déco Halloween plus que réalistes. Les plans à travers les miroirs, qui sont toujours aussi efficaces avec un éclairage de salle de bain au néon… Et d’autres plans que je ne peux que taire pour ne pas trop en dévoiler. Voilà donc, outre l’angoisse omniprésente, un film bien cadré et visuellement sublime. J'ai été tellement prise par le contenu que vous ne pourrez pas compter sur moi pour parler du montage, mais il m'a semblé fluide et sans fausse note. Quand aux sons, une bande-son musicale plutôt dynamique qui intensifie la vie "de quartier" animé entre le sourire et l'agressivité (un voisinage qui s'entraide mêlés aux insultes, et gestes belliqueux d'autres occupants), alternant avec des silences anxiogènes, et des bruits de stridulations absolument effroyables, rendent le film très réaliste...

3/Le Fond. J’imagine que comme tout film, tout est sujet à l’interprétation. Je vais donc surtout y évoquer mon ressenti, par rapport à mon vécu et ma culture.

J’ai lu récemment un manga qui s’appelle Emerging de Masaya Hokazono, j’en parlerais plus tard mais il évoque quelque chose d’assez censé : la façon dont nous accaparons les Terres et les espèces animales en toute ignorance, peut nous être fatale. Et c’est la première couche facile du film qui donne son sujet. Ces immeubles représentent l’urbanisation, froide, pas naturelle. On aurait pu utiliser un centre commercial comme pour le Zombie de Romero pour exprimer ce problème, mais il y a d’autres couches symboliques dans ce film, alors la cité était la meilleure. L’araignée représente la nature, elle ne peut pas survivre dans un milieu qui n’est pas le sien. Et si elle se mélange, soit elle meurt comme l’urbanisation détruit les habitats naturels des différentes espèces animales et végétales, soit elle doit survivre en devenant un prédateur surnuméraire. Lorsque je vois cette cité, qui est architecturalement magnifique, mais qui évoque également l’agglomération citadine, elle est le symbole de l’être humain, de son artifice et de sa centralisation. D’ailleurs, il y’aura deux autres personnages qui évoqueront ce paradoxe : le protagoniste qui enferme des espèces dans des aquariums en disant qu’il les protège (très symbolique de prétendre qu’on protège une espèce en l’enfermant…) et le personnage de Claudia qui veut partir de son logement pour un bout de jardin (le jardin offrant une image plus naturelle de la vie). En d'autres termes, si les animaux ne sont pas faits pour vivre dans ses structures, l'être humain non-plus en réalité. 

Le second symbole, vachement moins subtil : le confinement dont nous avons souffert lors du Covid. Les autorités gouvernementales nous ont demandé de nous enfermer pour nous protéger. Mais certains étaient beaucoup plus en danger, notamment les enfants et les femmes maltraités et violés. Mais aussi, les gens seules, les dépressifs et les isolés. Et ceux qui n'avaient pas accès à la verdure comme les habitants des cités. Je ne vais pas détailler quelque chose que nous avons tous vécu et qui a été subit comme un traumatisme pour certains, mais il est clair que ce film est un rappel du confinement. Et je me rappelle d'un lieu où j'ai vécu, qui grouillait de cafards. Confiné dans ce lieu m'aurait projeté dans une folie. Et je pense aussi à ces gens, qui ont dû être confiné avec les punaises de lit, etc...

Le troisième symbole est social, ou gauchiste comme diraient certains qui n'ont pas compris que nous étions tous habitants de la même planète et ce que comme nous faisons aux insectes, certains êtres humains le font aux autres être humains. Mais jusqu'à quel degré? Lorsque les riches auront éradiqués les pauvres, ils créeront d'autres pauvres puisqu'ils ont besoin de gens à diriger et à asservir, etc... Alors ne pensez pas qu'avec vos millions vous êtes protégés pour l'éternité. Bref, le symbole du film est social. Ne serait-ce que le titre qui évoque aux yeux des riches et des blancs ignorants, les êtres humains qui vivent en cité, et qui seront pour eux, toujours des étrangers. Les « gens qui ne sont rien », la vermine sociale qui trime dans l’ombre pour que les riches continuent de croire qu’ils valent mieux que les autres. Lorsque j’ai dit auparavant, ma crainte de devoir retourner vivre dans ses grands blocs de bétons qui puent la pisse dans les couloirs, et parfois squattés par des dealers menaçants, et que la trouille provient de ne pas pouvoir en sortir, c’est exactement ce qu’il se passe lorsque la menace arachnide parvient jusqu’à l’extérieur. Ils se retrouvent confinés par une autorité que nous ne verrons qu'à la fin, (attention spoiler pour ceux qui n'ont pas vu le film, ne pas lire la phrase en bleu : prétextant une protection, au lieu d'avouer l'incapacité à maîtriser l'épouvante vérité, préférant tuer tout le monde, de la vermine à l'être humain sans les différencier. Le premier cadavre qui sortira du lieu, va confiner les autres, ce qui prouve que les autorités savaient avant les habitants.) et même Claudia qui déménageait ce jour-là, ou même Jordy et Lila qui ne vivent pas dans cette cité, mais une fois le pied dans l'immeuble, ne pourront plus en sortir… Ils deviendront comme les bestioles de Kaleb, enfermés dans des vivariums, pensant les protéger, qui ne peuvent vivre qu’avec l’électricité, car ils ont besoin de tant de lumières et tant de chaleurs, et que si on leur enlève, ils risquent de mourir… 

 Il y a probablement d'autres symboles que je n'ai pas perçu, d'autant que je ne vis plus en HLM depuis quatre ans. Il m'a semblé voir quelques incohérences. Attention spoiler pour ceux qui n'ont pas vu le film, ne pas lire les phrases en bleu : pourquoi ils ne sortent pas par les fenêtres? Et j'ai supposé que seules les personnes qui connaissent bien l'immeuble peuvent comprendre. Il n'y a peut-être pas de fenêtres assez basses pour sauter. Pourquoi les araignées restent confinés dans l'immeuble? Y a matière à ce que certaines sortent pour faire une balade? A l'ère de Tik Tok où tout est filmé en permanence, curieux que personne n'ait eu l'idée de filmer et de diffuser.


En conclusion : voilà, un film d'horreur très riche en réflexions qui pourra autant plaire aux sociologues qu’aux amateurs d’épouvante, qu’aux passionnés d’architectures, qu’aux amoureux des bébêtes… Et à la fin, serons-nous toujours vivants?




LES ARAIGNEES NE SONT PAS NOS AMIES :

Voici une petite liste non-exhaustive d'oeuvres avec des araignées.

- Le film Arachnophobie de Frank Marshall (1990), une énorme araignée d'Amazonie se retrouve aux USA et elle est bien décidée à fonder une famille dans cette petite ville de Californie.

- Le film Arac Attack de Ellory Elkayem (2002), les habitants d'une cité minière se retrouve face à des araignées géantes. Alors on est plus dans le nanard mais c'est divertissant.



- Le roman Ce Livre est plein d'Araignées de David Wong (2015). Difficile de vous faire un résumé de ce roman d'horreur complètement déjanté. Il y a des univers parallèle, des monstres, des zombies. C'est comme si Evil Dead avait fait un bébé avec Wayne's World. Mais avec beaucoup beaucoup beaucoup d'araignées.





- La trilogie d'Ezekiel Boone, Eclosion, Infestation, Destruction (environ 2018). Les titres des romans donnent le ton, une race d'araignées d'une époque très lointaine se réveille, et elle a très faim.

- Quand sort la recluse de Fred Vargas (2017). Un polars qui mélange terreur et policier, avec des recluses...

- La trilogie du Mal de Maxime Chattam. Alors malheureusement, je ne me souviens plus de l'histoire mais je sais qu'il y a beaucoup d'araignées, surtout dans le tome 3 Maléfices.

- Pour les enfants : Monstreville, L'Armée des araignées de Jack Heath (2017), une invasion d'araignées au dos bleu plutôt méchantes. 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

MORDRE de Julien Guerville

  Il était une fois, des missionnaires qui allèrent dans certains pays, pour apporter la bonne parole de Dieu. Ils prirent les Terres, les r...